De la programmation et de la gastronomie

À chaque mois de mai, lorsque la saison artistique prend fin et qu’un nouveau cycle de programmation pour l’année (ou les années !) à venir se dessine, se pose la question :

Qu’offrirai-je au public, aux choristes et à moi-même comme menu musical pour la prochaine saison ?

Je crois que c’est John Rea, célèbre compositeur canadien qui disait : I don’t trust a composer that can’t cook. »

Je crois qu’il en va de même pour la programmation d’une saison d’un chœur. Comme pour un excellent repas à concocter pour des convives, une saison artistique est un ensemble d’éléments à considérer pour que le(s) repas soit un succès.

Ingrédients- de base pour une programmation réussie :

1) La musique

La musique et la qualité de celle-ci sont les éléments de base qui guident mes choix. Non seulement est-ce la valeur inhérente des pièces présentées qui est en jeu, mais encore plus le rapport que j’entretiens avec celle-ci. Le rapport peut être  de familiarité « je me sens à la maison dans cette musique » ou encore de curiosité « j’ai envie d’en apprendre plus sur ce style, ce compositeur, ces œuvres »

2) Les besoins et la culture du chœur

Chaque chœur est un corps vivant d’êtres humains en mouvement, mais aussi de paradigmes sociaux et de gouvernance. Quel équilibre veux-je installer ? De quelle manière veux-je orienter mes choix pour soutenir la courbe d’apprentissage du chœur ? Quel équilibre entre la nouveauté et la découverte d’une part et la tradition de l’autre veux-je installer ?

3) Le public

Qui est mon public ? De quelle manière réussis-je à le séduire, à le déstabiliser, le développer et l’instruire ? Puis-je  amener une perspective au programme qui sera une valeur ajoutée et qui développera un nouveau public ou fidélisera le présent?

4) L’argent

Comment avec les fonds prévus au budget pouvons-nous tirer le maximum de qualité, d’engouement et de résultat (le résultat étant l’excellence de la prestation musicale, un engagement maximal de la part des choristes et un enthousiasme clair de la part du public)? Comment dois-je prioriser certaines dépenses pour arriver à mes fins ?

5) La communauté

Comment puis-je créer un programme qui répondra au besoin ou à l’identité de la communauté ? Y a-t-il un festival près de notre communauté qui bénéficierait d’un programme particulier ? Y a-t-il une communauté ethnique active dans la région qui verrait sa musique jouée et qui se solidariserait autour d’un programme ? Y a-t-il une communauté religieuse proche qui aimerait voir sa musique sacrée jouée ? Y a-t-il moyen d’attirer des jeunes à nos concerts ? Comment faire en sorte que nous soyons en rapport avec cette communauté, sans trahir notre mission et notre histoire ?

6) Le chef

Qu’est-il important pour moi de développer dans le temps comme compétence ? Comme type de répertoire ? Comment diriger cette musique fait sens dans mon évolution comme musicien ? Dans ma carrière ?

7) L’organisation

Comment cette programmation réussira-t-elle à atteindre les attentes de l’organisation en terme de développement de public, de réussite budgétaire, de clarification de son branding et de soutien de la part de la communauté et des bailleurs de fonds ?

De manière générale, chacun de ces items est à considérer en proportion variable. Mais mon expérience me renseigne sur le fait que l’on doit préconiser une approche assez égalitaire de ces éléments, tout en étant certains qu’ils font du sens pour le chef. Car ce sera à lui, à chaque moment, de devoir porter le projet, dans sa préparation, dans ses répétitions, au concert et ensuite dans une phase d’analyse partagée avec l’organisation pour mesurer le succès de l’entreprise. Dans un certain sens, “charité bien ordonnée commence par soi-même” doit prévaloir.

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